Les huit montagnes

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[Cinéma] – VOST (BE/IT) – De Charlotte Vandermeersch, Felix Van Groeningen

Avec Luca Marinelli, Alessandro Borghi, Filippo Timi
2h 27min / Drame

Synopsis et critique : Utopia

Pietro (Luca Marinelli, déjà héros du magnifique Martin Eden) est un garçon de la ville, Bruno (Alessandro Borghi, moins connu chez nous) le dernier enfant à vivre dans un village oublié du Val d’Aoste. Les deux jeunes garçons se lient d’amitié dans ce coin caché des Alpes qui leur tient lieu de royaume. La vie les éloigne sans pouvoir les séparer complètement, leur amitié est à la vie, à la mort…
Mais comment le couple Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen, belges jusqu’au cou, autrement dits issus du « plat pays », en vinrent à s’embarquer sur les hauteurs des montagnes italiennes pour leur premier film en commun derrière la caméra ? À regarder de plus près la filmographie de Felix Van Groeningen, l’homme exultait déjà le désir de voyage, d’étranger, comme en témoigne Alabama Monroe (2013), mélo imprégné des sonorités américaines du Folk Grass. Les Huit montagnes, best-seller planétaire de Paolo Cognetti, grand roman d’apprentissage et de filiation, est l’occasion rêvée pour le réalisateur de prolonger son goût pour les sagas familiales, emblématiques de son cinéma (on pense également à La Merditude des choses en 2009, à Belgica en 2016, etc).
Quant à Charlotte Vandermeersch, elle a grandi à la campagne dans les années 1980 et 1990, baignant dans ce monde où les fermiers vivaient comme si le temps s’était arrêté. Son père était très attaché à ce mode de vie, pour son authenticité sa pureté : ce n’était pas un univers romantique pour elle, mais un monde bien réel…

Pour conserver à l’histoire de Pietro et Bruno toute sa puissance originelle et romanesque, Van Groeningen et Vandermeersch ont tourné le film en italien. Aussi différents soient-ils enfants, les étés passés dans un hameau montagnard quasi désert rapprochent le citadin et le campagnard, le premier apprenant la liberté d’une vie rurale, le second trouvant l’affection et l’éducation auprès d’une famille de substitution. Une fois devenus adultes, bien qu’ayant une conception opposée de la vie (Bruno est resté sur sa montagne et ne se voit pas ailleurs, Pietro ne tient pas en place, arpentant le monde jusqu’aux sommets népalais), la petite maison qu’ils ont rénové du plancher au toit sera désormais leur boussole, le lieu qu’il ont en commun, une bulle hors du monde. Mais aussi un leurre : s’ils ont l’impression de s’y ressourcer, cette maison renforcera leurs fuites respectives comme les non-dits.
À travers le portrait dense de ces deux hommes qui se ressemblent surtout par leur incapacité à exprimer leurs sentiments profonds, Les Huit montagnes devient un remarquable état des lieux d’une masculinité sans repères, s’illusionnant dans une quête du bonheur ne les menant qu’à des compromis.
En plus de leur écriture aussi fluide que fine, les deux réalisateurs brillent par leur éclatante mise en scène : l’image, au format carré, s’emplit de toujours plus d’émotions pour accompagner l’ascension spirituelle de ces deux frères d’âmes. C’est très, très beau.

 

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