Sur les chemins noirs

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[Cinéma] – De Denis Imbert

Avec Jean Dujardin, Joséphine Japy, Izïa Higelin
1h 35min / Drame

Synopsis et critique : Utopia

Est-il encore besoin de présenter Sylvain Tesson ? Écrivain, explorateur, aventurier… sa carte de visite est comme un appel à la conquête de territoires lointains, la promesse de voyages comme suspendus dans le temps, au-dessus du vide, celui, peut-être, de nos vies si terriennes, si sédentaires. Au fil de ses œuvres, mêlant le récit de voyages à des réflexions plus intimes, Sylvain Tesson nous offre l’opportunité de formidables escapades immobiles, des plaines de Sibérie aux steppes Tibétaines, et interroge les liens ambigus qui lient l’homme à son environnement. Avec son style bien particulier, éloquent mais souvent emprunt d’humour, léger et profond à la fois, il appelle à l’ailleurs avec une sorte de fougue communicative. On a envie de le suivre… où qu’il aille.
Bien que ce film soit une vraie fiction et que le personnage principal, interprété par Jean Dujardin, se prénomme Pierre et pas Sylvain, il s’agit bien de la même histoire, celle racontée dans ce récit éponyme qui fut, comme la plupart des livres de Tesson, un grand succès de librairie.

Pierre est un écrivain à la notoriété discrète mais bien ancrée. Charmeur, éternel baroudeur, ses récits de voyages sont à son image : emprunts d’une force tranquille d’où émerge souvent cette étincelle qui donne à ses écrits un supplément d’âme et le rend proche de ses lecteurs. Incapable de rester trop longtemps au même endroit, Pierre a la bougeotte et n’a de cesse, sitôt revenu, de repartir vers d’autres horizons et d’écrire, toujours.
Et puis c’est l’accident. Con. Irréversible. Enfin, sur le coup, c’est ce que tout le monde pense. Le coma, les jambes qui ne répondent plus et la longue et lente remontée à la surface. Mais Pierre va très vite fuir les médecins qui, « dans leur vocabulaire d’agents du Politburo, recommandent de se rééduquer ». Sa rééducation, il choisit de la poursuivre lui-même, s’en allant par « les chemins cachés bordés de haies, par les sous-bois et les pistes à ornières reliant les villages abandonnés ».
Il décide d’entreprendre un périple en France dans toute sa diagonale sud-est/nord-ouest (aussi appelée « la diagonale du vide » en référence aux faibles densités de population que cette bande de terre abrite), en empruntant uniquement les petits chemins noirs indiqués sur les cartes IGN au 1/25 000e. Il débute son périple dans le Mercantour pour l’achever sur les côtes du Cotentin. Pierre se donne comme objectif de traverser à pied le pays en évitant dans la mesure du possible les zones urbaines et périurbaines d’une France remodelée depuis les dernières décennies. Son itinéraire le conduira successivement dans les Cévennes, le Massif central, la Touraine, avant d’atteindre les plages de Normandie, au bord de la carte, à la fin du territoire.
Seul, avec son petit carnet et ses cigarillos, Pierre va renouer peu à peu avec son corps de marcheur, recouvrer douloureusement ses capacités physiques dont quelques-unes resteront définitivement collées sur le bitume du lieu de son accident, mais également profiter de paysages sauvages et sublimes, jouir de l’écoulement du temps, du silence et de l’immobilité. Un retour à la vie.

Randonneur quand il n’est pas acteur, Jean Dujardin est parfaitement crédible dans les pas de Sylvain Tesson et porte le film avec sa nonchalance tranquille et son charme habituel… Le récit est bien sûr traversé par des extraits du bouquin et c’est d’une beauté simple et émouvante. Nous vient alors comme une furieuse envie d’enfiler les chaussures de rando, de prendre un sac à dos et de partir sur les chemins de traverse…

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