La fiancée du poète

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De Yolande Moreau

Avec Yolande Moreau, Sergi López, Grégory Gadebois
1h 43min / Comédie dramatique

+ La grinta – 2023/FR/4mn (court métrage précédant le film)

Synopsis et critique : Utopia

Où l’on découvre les charmes des environs de Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Passé le premier abord peu riant des cités durement marquées par la désindustrialisation, il suffit de s’égarer nonchalamment le long des rives de la Meuse, laisser loin derrière soi les zones urbaines : ça pullule de coins de verdure où coulent des rivières, de forêts profondes aussi inquiétantes que généreuses, de vieilles masures chargées d’Histoire et surtout d’histoires. Il flotte encore dans l’air comme le souvenir du parfum qui collait aux semelles de vent du poète. Ici, les vieilles filles font en douce de la contrebande de clopes pour arrondir leurs fins de mois, les statues de cerfs en béton brament en secret dans le petit matin bruineux, le curé conseille bizarrement ses ouailles dans leurs affaires de cœurs et de mœurs.
C’est là que Mireille a grandi, là qu’elle revient vivre longtemps après, la soixantaine sonnée, dans la grande maison de famille à l’abandon. Si elle revient sur les lieux de son enfance, c’est moins par nostalgie (y’a pas que du beau dans ses souvenirs) que par la nécessité, beaucoup plus prosaïque, de se trouver un toit à peu près étanche en rapport avec son microscopique salaire de serveuse au self de l’école des Beaux-Arts de Charleville. Va pour la vaste demeure désertée, qu’elle réintègre en catimini, sans prévenir la famille. Mais même sans loyer, même en économisant tout ce sur quoi il est possible de rogner, faut pas croire : ça douille d’habiter seule, ne serait-ce que pour chauffer ces vénérables murs. C’est encore une fois le frêle curé de la paroisse qui suggère la solution : louer quelques-unes des chambres les plus habitables de la maison en échange d’une modeste participation. En choisissant soigneusement les locataires, nécessiteux mais d’une moralité irréprochable. Le curé a d’ailleurs sous la main le premier d’entre eux : un jovial jardinier municipal, en situation familiale critique et qui a urgemment besoin d’un toit. Suivront un adorable étudiant aux Beaux-Arts au coup de pinceau épatant et un genre de chanteur de country allumé à la nationalité mal définie.
Se recrée là une famille choisie, aux frontières de la marginalité. Qui semble pouvoir panser les blessures plus ou moins vives, plus ou moins douloureuses, de chaque membre de la petite communauté. Et pourquoi pas, faire revivre le grand amour de jeunesse de Mireille, le premier, celui qui ne s’oublie jamais.

Patiemment, Yolande Moreau s’attache à faire les films qu’on ne lui propose pas, s’offre les rôles que les autres ne lui écriront jamais, dessine par toutes petites touches un territoire cinématographique unique en son genre. Sa poésie fraîche et spontanée ne ressemble qu’à elle. Faite de bric, de broc, de verdeur et de colifichets surannés, elle est solidement arrimée à la terre et en même temps délicieusement évanescente. Rien n’est fabriqué, rien n’est surjoué, tout est offert avec une simplicité généreuse. La Fiancée du poète est une invitation à entrer dans son monde, à élargir le cercle d’une famille bienveillante. On y aime d’emblée les acteurs, les décors, la douce folie qui y règne et la beauté triste des lendemains de fête. On s’y sent bien, en confiance, et on voudrait que jamais le film ne se termine pour rester dans cette tribu, au chaud, au tendre.

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