Little Girl Blue

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De Mona Achache

Avec Marion Cotillard, Marie Bunel, Marie-Christine Adam
1h 35min / Drame

+ Love me true – 2023/FR/7mn (court métrage précédant le film)

Synopsis et critique : Utopia

« Tout s’effacera en une seconde. Le dictionnaire accumulé du berceau au dernier lit s’éliminera. Ce sera le silence et aucun mot pour le dire. De la bouche ouverte il ne sortira rien. Ni je ni moi. La langue continuera à mettre en mots le monde. Dans les conversations autour d’une table de fête, on ne sera qu’un prénom, de plus en plus sans visage, jusqu’à disparaître dans la masse anonyme d’une lointaine génération. » (Annie Ernaux, Les Années)

Après avoir séduit le grand public avec son premier film, Le Hérisson, adapté du best-seller de Muriel Barbery, Mona Achache réalise ici une œuvre beaucoup plus intimiste et audacieuse, un film où elle parle d’elle, de sa mère, de sa grand-mère et de son deuil. Face à la perte soudaine et violente d’un parent suicidé, il est nécessaire de trouver des réponses à cette oppressante sensation d’inachevé. Elles s’imposent parfois aux vivants à travers des éléments laissés par le défunt, et le deuil peut alors entreprendre sa marche, d’abord en tentant de comprendre, autant que faire se peut, le geste irréversible. C’est cette recherche qui a conduit Mona Achache à ouvrir les 25 caisses remplies de souvenirs que sa mère avait laissées dans sa cave. Grâce à ces nombreuses boîtes de Pandore, elle va se lancer dans une (en)quête transgénérationnelle, sur les traces de sa mère, de la mère de celle-ci et de tout ce qui a construit sa singulière famille issue du milieu littéraire, une famille où les mots ont toujours pris le pas sur la mort.
À l’aide d’archives constituées de mots, de notes, d’enregistrements sonores, de vidéos, de photos, la réalisatrice tente de mettre en forme les choses pour comprendre qui sont ces femmes, de l’intérieur. Elle va chercher ce qu’il y a de plus profond en elles, jusqu’à épuisement. De ce travail ressort un schéma qui semble se répéter de manière inexpliquée, de mère en fille. En rassemblant ces matériaux qu’elle accroche, suspend, colle dans son appartement, elle regarde chaque document avec un regard neuf, minutieux, pour en produire un collage gigantesque et vertigineux. Ce puzzle de la vie qu’elle reconstruit pièce après pièce touche à son intimité mais est rendu universel par l’époque que ces souvenirs traversent et les célébrités que sa grand-mère et sa mère ont côtoyées. Ce film est aussi une histoire de femmes dans un milieu d’hommes et Mona choisit de libérer la parole des femmes et leur vérité dans une ère post Me Too. Elle donne corps à ce discours en faisant incarner sa mère par Marion Cotillard au sommet de son art.

Le film est touchant et plastiquement très beau. Le montage vient faire résonner des images picturales et des images documentaires. Par les traces et preuves laissées par sa mère et sa grand-mère, par le processus d’imitation, on obtient une substance et le spectateur se retrouve face au sentiment étrange de re-donner un souffle de vie aux morts, d’être touché par ces présences fantomatiques. Le film vient nous saisir au plus profond de notre être, rappelant la fragilité de notre existence et l’impact qu’ont sur les vivants les traces laissées par leurs morts.

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