La chimère

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VOST (IT) – De Alice Rohrwacher

Avec Josh O’Connor, Carol Duarte, Isabella Rossellini
2h 10min / Comédie dramatique, Drame, Comédie

Synopsis et critique : Le Monde

Arthur est un mystérieux Anglais trentenaire, qui a le don de détecter le « vide » sous terre, avec ses potentielles galeries antiques, remplies de trésors (vases étrusques, etc.). On le découvre dans le train, visage peu avenant, après un séjour en prison. Il arrive dans sa petite ville du bord de la mer Tyrrhénienne et retrouve à contrecœur ses copains de braquage, avec lesquels il reprend ses activités nocturnes. Profanant le sacré, ces hommes prennent le risque de s’enfoncer à plusieurs mètres de profondeur, dans l’espoir de trouver quelques pépites au milieu des ossements. Revendant leur butin à des receleurs, ils échappent ainsi à une morne vie de travail, du moins l’espèrent-ils.

La réalisatrice et scénariste toscane clôt, avec ce film, une trilogie en forme de conte rural commencée et poursuivie avec ses deux précédents longs-métrages – Les Merveilles (2014) et Heureux comme Lazzaro (2018).
La Chimère traverse plein de reliefs, le comique romanesque, la démesure, la mélancolie d’un amour révolu. La première image du film nous l’apprend : un écran noir, qui soudain laisse entrer la lumière, imprime le visage d’une jeune femme, puis le chasse comme on éteint une bougie. Cette absence de l’être aimé déroule un fil rouge, au propre et au figuré, auquel Arthur se raccroche pour tenir. Mi-bandit, mi-ethnologue, le jeune homme sensible, autant fasciné par les âmes du passé que par l’argent facile, ne sait que faire de ce don qui lui est tombé du ciel.
Les pilleurs de tombes, démunis, prennent les richesses où elles se trouvent. Pendant que les hommes commettent leurs forfaits, les femmes surveillent. Puis tous ensemble ils font la fête, sans rien s’interdire – point de ferveur catholique ici. La cinéaste peint le portrait d’une communauté aux accents felliniens, jouissive, où pointe le rêve d’une alternative. Pas seulement économique, mais aussi de genre. Du temps des Étrusques, les femmes commandaient, apprend-on. Peut-être est-ce pour cela que les pilleurs ne rechignent pas à se grimer en femmes, soutien-gorge sur leur poitrine velue.
Tout une panoplie de personnages féminins habite le film. Il y a cette pétroleuse d’envergure qui apparaît sous les traits d’Alba Rohrwacher : l’actrice et sœur de la réalisatrice est impeccable dans le rôle d’une arnaqueuse délivrant de faux certificats d’authenticité à des amateurs d’antiquité, qu’elle embarque en croisière. D’autres intrigantes sont aux manettes. Dans une vieille demeure, une dame en fauteuil roulant (Isabella Rossellini) est à la tête d’une famille délabrée, avec son lot de filles ingrates, guettant le départ de la mère en maison de retraite. Les robes et les murs de la baraque qui se fondent dans des couleurs fanées sont de toute beauté. Dans cette maison de fous, la seule personne digne de confiance est la jeune servante, Italia (excellente Carol Duarte), qui essaie de recoller les morceaux de sa vie et rêve de devenir chanteuse d’opéra – l’occasion d’un fabuleux play-back… Elle se rapproche d’Arthur sans trop savoir ce qu’il fabrique.

Comme un mirage, le personnage d’Italia est celui qui rend possible une utopie de femmes vivant en autonomie. Arthur, qui n’a cessé d’errer depuis le début de cette ébouriffante histoire, va devoir choisir. Vivre avec une mortelle, ou avec le souvenir d’une tête de statue. Une magnifique histoire de masques.

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