Priscilla

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VOST (US) – De Sofia Coppola

Avec Cailee Spaeny, Jacob Elordi, Dagmara Dominczyk
1h 53min / Biopic, Drame

Synopsis et critique : Utopia

« Si je devais rester, je te gênerais, alors je pars mais je sais que je penserai à toi à chaque pas. » (extrait traduit de I will always love you, chanson de Dolly Parton)

On pourrait se demander quelle mouche a piqué Sofia Coppola pour qu’elle s’attache à l’histoire d’amour puis au mariage qui a uni durant dix ans un Elvis Presley au faîte de sa gloire et la toute jeune Priscilla Ann Wagner, de dix ans sa cadette, jusqu’à une séparation qui devait marquer le King, lequel ne se remaria jamais. Elvis a aujourd’hui perdu beaucoup de son aura, se retrouve même, sans doute à tort, ringardisé, Priscilla n’a quasiment aucune existence en dehors de sa relation avec son rocker d’ex-époux… rien de très passionnant sur le papier. Et pourtant on aurait bien tort de passer à côté de ce Priscilla qui s’inscrit en fait parfaitement dans la filmographie de la réalisatrice : elle n’a eu de cesse dans la majorité de ses films de raconter le destin de jeunes femmes dont les espoirs – ou les illusions – se fracassent contre les tristes réalités d’un monde d’hommes. On ne citera que Virgin suicides, qui évoque le sort tragique de sœurs adolescentes dans l’Amérique conservatrice du début des années 70, et Marie-Antoinette, portrait d’une jeune femme trop libre étouffée par une Cour trop étriquée…

Dans la droite ligne de ces deux films, Priscilla est ainsi l’histoire d’une adolescente de quatorze ans subjuguée par une idole, comme des millions de jeunes américaines, à ceci près qu’elle va vraiment la rencontrer et partager sa vie pendant dix ans.
Tout commence sur une base militaire américaine en Allemagne où le père de Priscilla est affecté alors qu’Elvis doit y effectuer son service militaire. Le hasard fait que la jeune fille participe à une fête, avec l’exceptionnelle autorisation parentale, et se retrouve nez-à-nez avec la star. Le coup de foudre est immédiat, respectueux (Elvis n’est pas du genre à abuser de sa célébrité), les rendez-vous se multiplient… Les parents, d’abord réticents puis désemparés, finissent par accepter l’improbable, sinon l’impensable : à sa démobilisation, Elvis prendra en charge Priscilla encore lycéenne à Memphis, elle vivra avec lui à Graceland et il la fera admettre dans le meilleur lycée catholique de la ville…

Sofia Coppola décrit non sans humour la vie insensée de cette fille de seize ans qui vit avec le musicien le plus adulé des États-Unis et rejoint chaque jour ses camarades de classe, qui forcément la jalousent, voire la haïssent. Mais surtout elle montre à merveille le contraste effrayant entre le luxe kitsch, le confort extravagant de l’immense Graceland et le sentiment d’emprisonnement et d’abandon grandissant de la malheureuse Priscilla, qui doit accepter l’omniprésence de l’entourage familial et professionnel d’Elvis, son absence quasi-permanente pour cause de tournées ou de tournages, durant lesquels il noue des idylles largement relatées dans la presse qu’on n’appelait pas encore people. Sofia Coppola, grâce à Cailee Spaeny, incroyable actrice justement récompensée à Venise, nous fait vivre l’éveil à la liberté d’une jeune femme au destin unique, n’évacuant pas la question des relations sexuelles qui manquaient semble-t-il cruellement à Priscilla dans son mariage avec Elvis, pourtant considéré comme le mâle alpha du rock… Mais si la réalisatrice est clairement du côté de Priscilla et de ses sentiments, elle ne charge pas le personnage du King, montré comme un être somme toute sensible mais prisonnier de sa notoriété, manipulé par son entourage, dominé par les démons et les drogues qui finiront par le détruire.

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