De Vincent Perez
Avec Roschdy Zem, Doria Tillier, Guillaume Gallienne
1h 40min / Drame, Historique
Synopsis et critique : Utopia
« Messieurs les députés, dans toutes les bagarres de terre ou d’eau, la femme, en raison de son costume, est une victime prédestinée à la mort, et les accidents de tramways survenant pour le même motif sont quotidiens. »
Ainsi parlait Marie-Rose Astié de Valsayre, exigeant avec panache l’abrogation de l’ordonnance du 16 brumaire an IX (le 7 novembre 1800), stipulant que les femmes « travesties » en hommes (c’est à dire portant pantalon) devaient être arrêtées par la police. C’est l’époque où ces dames, engoncées dans leurs corsets et leur robes à crinoline, étaient les victimes impuissantes de l’imbécilité masculine. Pas facile de fuir avec une robe à traîne, difficile de ne pas attraper la mort à cause du vent s’engouffrant sous les jupons, et je ne vous parle même pas de tous les métiers et loisirs empêchés faute de pouvoir porter le pantalon…
Cette petite introduction historique vous donne le ton de ce film haut en couleurs qui manie avec aisance les genres et nous livre, l’air de rien, un récit à la fois divertissant et engagé. Car si Marie-Rose n’est pas le personnage central de ce récit, c’est celui qui le traverse avec panache et fierté, donnant le rythme d’une histoire qui raconte aussi la fin d’un siècle et le début d’une ère nouvelle, pour les femmes mais pas seulement.
Paris, 1887. La frénésie des duels bat son plein… Il ne se passe pas un jour sans qu’un affront, un geste, un mot de travers ne déclenche ce rituel codifié d’où l’honneur est supposé toujours sortir triomphant. Et qu’importent les morts, les blessés, les mutilés, les humiliés. Dans une atmosphère revancharde suite à la défaite contre la Prusse en 1871 et dans la foulée de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la moitié des duellistes sont des militaires et les autres issus du monde de la presse nouvellement démuselée ou des arts et des lettres, ceux-ci estimant leur honneur bafoué par celle-là. À côté de ce regain mortifère, alimenté par la vanité, l’orgueil, l’ennui et cet irrépressible goût du sang tout ce qu’il y a de plus viril, les salles de gymnastique se multiplient, souvent attenantes aux bureaux des rédactions.
Entre soi on s’y entraine, on s’y bat avec fierté dans le respect des règles, on y croise le fer avec plus ou moins de talent… Dans l’une de ces salles, financée par Le petit Journal où quelques plumes acides sévissent, un maître d’armes a les honneurs de tous : Clément Lacaze, héros de guerre dont l’habileté et la rigueur mais aussi le caractère discret, presque réservé, forcent l’admiration. Lorsque le neveu de Clément, fougueux jeune homme d’à peine vingt ans, est provoqué en duel par le colonel Bercher, plus riche et beaucoup plus expérimenté, Lacaze va faire son possible pour le préparer au duel, se laissant alors entraîner dans le tourbillon infernal des combats « au premier sang ».
Dans le même temps, alors qu’elle est publiquement humiliée par Ferdinand Massat, le rédacteur en chef du Petit Journal, qui raille ses prises de positions féministes, Marie-Rose Astié de Valsayre n’y va pas par quatre chemins et demande réparation par les armes. Elle réclame alors les services du maître d’armes le plus réputé de la place, j’ai nommé Clément Lacaze bien sûr…
Vincent Perez signe ici un film qui fait la part belle aux duels sous toutes leurs formes (au sabre, à l’épée, au pistolet… à cheval !) sans jamais perdre de vue le contexte historique, social et politique de cette fin de siècle passionnante où tout se bouscule à vitesse grand V : les avancées technologiques, les combats politiques, les revendications féministes. Porté par une distribution remarquable, Une affaire d’honneur est une belle réussite.