Pauvres Créatures

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Public averti – VOST (US) – De Yórgos Lánthimos

Avec Emma Stone, Mark Ruffalo, Willem Dafoe
2h 21min / Comédie, Drame, Fantastique, Romance, Science Fiction

Synopsis et critique : Utopia

Avec Pauvres créatures, le cinéaste grec désormais hollywoodien Yorgos Lanthimos, a frappé fort : esthétiquement stupéfiant, autant pour les décors que pour les effets de mise en scène (avec notamment quelques plans anamorphosés hypnotiques), servi par des acteurs inoubliables dans des rôles extrêmes, Pauvres créatures se permet en outre d’être un extraordinaire pamphlet féministe anti-autoritaire, prônant une liberté sexuelle absolue.

Dès la première séquence, intrigante au possible, on est subjugué : une femme, vêtue d’une robe victorienne d’un azur splendide, s’apprête à se jeter d’un pont dans les abysses sombres d’un fleuve, la Tamise peut-être. On va la retrouver, mais totalement différente, dans un immense et mystérieux manoir. Dans un corps de jeune femme, elle se comporte en enfant caractérielle, alignant à peine quelques mots intelligibles et brisant à sa guise les objets qui l’entourent. Bella est la protégée du Docteur Baxter, un chirurgien controversé, au visage repoussant, couturé tel un puzzle, qui terrifie et malmène ses étudiants lors de cours d’anatomie peu orthodoxes. Un seul étudiant, Max, semble attaché au professeur qui lui confie une mission à risques : observer les progrès de Bella qui, peu à peu, doit se développer mentalement et tendre vers l’âge adulte. Et le jeune étudiant va être foudroyé d’amour pour la jeune femme, malgré son étrangeté plus qu’inquiétante. Vous l’aurez peut-être compris, Pauvres créatures est une variation très libre sur le mythe de Frankenstein. Mais on ne vous en dira pas plus…
Yorgos Lanthimos s’en donne à cœur joie pour utiliser les codes esthétiques du 19e siècle, époque à laquelle est censé se dérouler le roman de Mary Shelley, mais en le mâtinant de fantaisies steampunk, ce genre propre à la science-fiction qui mêle inventions futuristes à la Jules Verne et imagerie victorienne. Dans Pauvres créatures, on se balade en calèche à vapeur mais à tête de cheval, on survole les villes dans d’étranges nacelles, les paquebots semblent sortis d’une BD de Bilal et, comme le professeur Baxter fait des expériences étranges, il a pour animaux de compagnie des poules à tête de caniche et des petits chiens à tête de cochon.

Mais le centre du film, c’est Bella et sa découverte tardive de la vie. Elle a grandi sans aucun accès aux codes sociaux donc sans aucun tabou et, lors d’une croisière imprévue à travers l’Europe, elle découvre sa sexualité en se moquant totalement de la bienséance. À travers ce personnage « scandaleux », Lanthimos creuse le sillon caustique et provocateur de ses précédents films (Canine, The Lobster…) : la critique – voire le jeu de massacre – du modèle formaté du couple et de la famille, l’exaltation de la liberté sans entraves, allant jusqu’à une défense fort peu catholique mais réjouissante de celle des travailleuses du sexe.
Pour mener cette sarabande endiablée, trois immenses comédiens : le marmoréen Willem Dafoe, génial en scientifique obsédé par sa création, dénué de morale mais néanmoins gagné par une sorte de sentiment paternel ; Mark Ruffalo, formidable en don juan quinqua finissant, libidineux et amoral à souhait ; et surtout la prodigieuse Emma Stone (méconnaissable si on se rappelle son rôle de La La Land), incarnant à la perfection et à la folie les trois étapes de la vie de Bella, femme enfant, femme insatiable de désir et de liberté puis femme d’esprit.

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