Green border

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VOST (PL) – De Agnieszka Holland

Avec Jalal Altawil, Maja Ostaszewska, Behi Djanati Ataï
2h 32min | Drame

Synopsis et critique : Utopia

Green border est un grand film de colère froide. La colère d’une femme qui a traversé les bouleversements politiques de la fin du xxe siècle, vécu l’exil, porté l’immense espoir, à la chute du communisme, d’une Europe débarrassée de ses dernières scories totalitaires, enfin à la hauteur des aspirations de ses peuples, portant haut ses valeurs humanistes, l’État de droit et la démocratie, les droits de l’homme, l’égalité et la fraternité… Colère devant cette utopie brisée, passée au laminoir des politiques sécuritaires qui, en quelques décennies, ont patiemment mais sûrement bâti l’Europe-forteresse sur les remparts de laquelle viennent se fracasser les espoirs des exilés chassés de chez eux par les guerres, les famines, les répressions…

Tout commence en 2021 au nord-est de la Pologne. Le voisin biélorusse (autrement dit le sinistre Loukachenko), mécontent des mesures de rétorsion européennes, monte une opération particulièrement vicieuse : faire venir massivement par charter des candidats à l’exil venus d’Afghanistan, de Syrie ou des pays africains pour les amener à pénétrer en Europe via la frontière polonaise. De là commence, pour des milliers de malheureux, un véritable cauchemar. Molestés, capturés par la police des frontières polonaise, ils sont renvoyés en Biélorussie où ils sont à nouveau pourchassés, à nouveau violentés par les militaires bélarusses qui s’ingénient à leur faire faire le trajet inverse. Le droit international n’est ici qu’une notion théorique qu’aucun des deux camps n’entend respecter dans cette horrifique partie de ping-pong. Quand ils ne disparaissent pas corps et biens dans les marais, les exilés, hommes, femmes et enfants affamés, errent jusqu’à l’épuisement dans les forêts glaciales où, miraculeusement, des militants des droits de l’homme parviennent parfois à les secourir au nez et à la barbe des autorités.

Pour ce film fleuve qui se dévore avec passion, d’une tension folle, la cinéaste a décliné son histoire en trois parties, selon trois points de vue : celui d’une famille syrienne victime de cette tragédie, celui d’un jeune officier de police en proie à un dilemme moral lorsqu’il est confronté aux actes commis par ses collègues et enfin celui d’un groupe d’activistes qui tentent par tous les moyens d’aider les migrants dans la zone d’exclusion où patrouillent les robocops sans affects ni scrupules. Embarqués dans les camions, pourchassés dans les no man’s land, on accompagne avec angoisse la fuite éperdue de Bashir et Leïla, leurs enfants et le grand-père, ballotés, emportés dans la nuit, le froid, sous la pluie glacée de l’hiver qui avance… Comme on suit avec accablement les états d’âme du jeune Jan, encore un peu rétif à l’endoctrinement par la haine, perdu dans un uniforme trop grand pour lui, qui croisera leur chemin… Comme on se regonfle un peu la foi en l’humanité au contact de Julia, une femme de cinquante ans, activiste presque malgré elle, et de ses camarades de fortune qui ne peuvent s’empêcher de répondre aux cris de ceux qui sont dans le besoin. Puissant, beau, spectaculaire, Green border est un miroir implacable tendu à la société polonaise et à toute l’Europe occidentale – en même temps qu’un florilège de drames humains racontés à hauteur d’hommes et de femmes, terriblement forts, émouvants et discrètement enthousiasmants.

« Je ne suis vraiment pas une idéaliste. Je suis d’accord avec Marek Edelman quand il a dit que « le potentiel du mal peut se réveiller en n’importe quelle personne à n’importe quel moment », et que ceux qui le contrôlent portent une grande responsabilité. Je ne sais pas comment changer le monde, mais je sais comment raconter des histoires avec l’aide du cinéma, alors c’est ce que je fais ». (Agneszka Holland)

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