Inchallah un fils

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VOST (JO) – De Amjad Al Rasheed

Avec Mouna Hawa, Seleena Rababah, Haitham Omari
1h 53min | Drame

Synopsis et critique : Utopia

Coup de maître que ce premier film déjà primé dans huit festivals différents ! Mouna Hawa, qui interprète le rôle principal, sacrée meilleure actrice à quatre reprises ! Il est indéniable qu’elle crève l’écran dans le rôle de Nawal, jeune veuve aux abois prise dans une descente aux enfers vertigineuse dans un pays où « perdre son homme » est pour certaines synonyme de « perdre sa vie », en tout cas beaucoup de droits. N’en déplaise à la Grande Simone, parfois naître femme ne permet pas de devenir quoi que ce soit, sinon le pion d’un jeu dont on ne maîtrise pas grand-chose. « Naître libre et égaux en droits » ne représente pas la même réalité quand on apprend à marcher sur les trottoirs parisiens ou sur ceux de la capitale surpeuplée de la Jordanie : à Amman, les filles, dès leurs premiers pas, savent qu’elles ne seront jamais considérées comme les égales de leurs collègues mâles.

N’avoir enfanté qu’une fille, n’avoir pas réussi à faire un fils (ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé) : c’est ce qui va faire toute la différence pour Nawal quand son mari, par un matin ordinaire, ne se réveille pas. Mort dans son sommeil. Coup du sort qui va tout faire basculer. Affligée par le chagrin, effondrée, Nawal n’a pas le cœur à ergoter. Pas calculatrice – elle aurait mieux fait de l’être, diront certains –, croyant à une forme d’intégrité naturelle, elle fait confiance à son entourage, à ceux qui étaient si proches de son couple, son frère, son beau-frère si ostensiblement aimant. Elle est malheureusement trop naïve : dès qu’il sera question de répartir le piètre héritage, nul ne se contentera de sa parole, de sa bonne foi. Tous feront fi de la plus élémentaire compassion, l’étouffant sous le poids des traditions, des règles patriarcales séculaires. Dans un pays où tout est décidé par l’homme en faveur de l’homme, le bon droit et les lois ne protègent guère plus les femmes que le voile qu’elles portent sur la tête. Même ce qui aurait dû être un matelas de sécurité, sa dot, n’échappera pas à l’avidité des vautours qui l’entourent. Au fur et à mesure que l’étau se resserre, Nawal devient un être aux abois qui se méfie des mains tendues. Ses larmes se transforment progressivement en légitime colère : toutes ces années de bons et loyaux services, sa fidélité, sa condition de mère… rien ne semble compter face à la cupidité cynique qui s’affirme au grand jour. Il faudrait presque un miracle pour échapper à la nasse qui semble se refermer sur elle… Le miracle n’arrivant pas, elle le provoquera. Il est dit que jamais elle ne baissera pas les bras, que jamais elle n’abandonnera sa fille aux choix arbitraires de son oncle paternel, que jamais elle n’acceptera cette iniquité révoltante. Nawal est une femme qui fait le choix de se battre contre les absurdités de son monde. Un combat personnel qui la transcende, la transporte, propulse ses mots et ses gestes. Un combat exaltant qui rejoint celui de toutes les héroïnes de l’ombre qui mériteraient bien quelques statues et quelques hommages.

La densité des personnages secondaires, les histoires parallèles qui se croisent et se défont nourrissent la complexité et la profondeur du film, qui nous fait voyager dans les réalités d’une société plus complexe qu’on pourrait le croire. Le sort de Jawal, la musulmane peu friquée, est-il moins enviable que celui de ses patronnes catholiques qui semblent baigner dans l’opulence ? Toutes peinent à trouver des allié·e·s, des lieux où respirer… Toutes peinent à ne pas se laisser diviser.

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