Chien Blanc

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VF – De Anaïs Barbeau-Lavalette

Avec Denis Ménochet, Kacey Rohl, K.C. Collins

22 mai 2024 en salle | 1h 36min | Drame

Synopsis et critique : Utopia

« Ce qu’on appelait l’humanitarisme s’est toujours trouvé pris dans ce dilemme entre l’amour des chiens et l’horreur de la chiennerie. » Romain Gary, Chien blanc
« L’Histoire n’appartient pas au passé. L’histoire est le présent. Nous portons notre histoire avec nous et penser le contraire est criminel. » James Baldwin

C’est une nouvelle adaptation – après celle, fameuse, de Samuel Fuller en 1982 sous le titre français de Dressé pour tuer – du roman de Romain Gary publié en 1970, en pleine lutte pour la reconnaissance des droits civiques des Noirs aux États-Unis. Plus de 50 ans après, le propos de Gary n’a rien perdu de sa pertinence face aux enjeux sociétaux actuels autour des questions de racisme et d’antiracisme.
Le film commence par l’annonce choc, par le sénateur Robert Kennedy, de l’assassinat de Martin Luther King alors que de nombreux amis noirs sont réunis dans le salon du couple Romain Gary (Denis Ménochet) / Jean Seberg (Kacey Rohl), qui vit à l’époque à Los Angeles. Au-delà de l’émotion énorme provoquée par l’événement et les émeutes qui s’en suivent, c’est un fait anecdotique qui donne son titre au livre et au film, un fait qui engage la réflexion directrice et contribue à diviser le couple. Romain Gary découvre sur son perron un chien abandonné qu’il adopte pour faire plaisir à son jeune fils. Mais il s’avère que c’est un « chien blanc », un de ces chiens autrefois dressés à pourchasser les esclaves en fuite et désormais utilisés contre les manifestants noirs. Pour Jean Seberg, il faut le faire piquer. Pour Romain Gary, l’animal est lui-même une victime du racisme systémique et il va le confier à un dresseur noir pour le « reconditionner ». Et tandis que Jean Seberg s’engage toujours plus aux côtés des Black Panthers, Romain Gary se pose une question fondamentale qui sera au centre de son roman : quelle place peut prendre l’allié Blanc dans les luttes des Noirs ? Comment trouver la juste limite pour ne pas tomber dans le cliché du sauveur blanc, comme le fit complaisamment un Marlon Brando confit d’égotisme à la même période ? Une scène clef fait la bascule quand le couple se rend aux obsèques d’une jeune fille noire assassinée par des racistes et qu’une membre de la famille demande sèchement à Seberg de leur laisser leur lutte au lieu de se l’approprier.

À l’heure où les questions raciales n’ont jamais été aussi présentes dans le débat politique, le film résonne ainsi d’une brûlante actualité. Le film doit beaucoup à la performance des actrices et acteurs dans les premiers rôles : Kacey Rohl est tout à fait convaincante en Jean Seberg, Denis Ménochet est comme toujours impressionnant, ainsi que l’inconnu K.C. Collins qui incarne le dresseur. La mise en scène de la québecoise Anaïs Barbeau-Lavalette est elle aussi remarquable, scandée par les images récurrentes du chien poursuivant des Noirs de tous âges, et utilisant des images d’archives saisissantes, comme celles des récentes manifestations « Black Lives Matter ».

Petite recommandation : ne quittez pas la salle avant la fin du générique sinon vous ne profiterez pas de la magnifique chanson de Gaël Faye Seuls et vaincus, adaptation du très beau poème de Christiane Taubira.

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