Sing sing

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VOST (EN) – De Greg Kwedar

Avec Colman Domingo, Clarence Maclin, Sean San Jose

29 janvier 2025 en salle | 1h 47min | Drame

Synopsis et critique : Utopia

Un comédien est né ! Ou plutôt plusieurs, toute une troupe ! Porté par un état de grâce bouleversant, voilà une œuvre made in Hollywood qui a un air de famille troublant (et enthousiasmant) avec Un triomphe, ce film d’Emmanuel Courcol (celui qui transporte la France entière cet hiver avec En fanfare) porté par un Kad Merad impérial, qui mariait déjà avec bonheur taule, théâtre et cinéma… Sing Sing est du même bois : œuvre singulière, le film s’impose comme un formidable trait d’union, bourré d’humanité, entre incarcération et liberté, entre (dé)espoir et réalité.
« To die, to sleep, to dream… », « Mourir… dormir, rien de plus… et dire que, par ce sommeil, nous mettons fin aux maux du cœur et aux mille tortures naturelles qui sont le lot de la chair… » Voilà Shakespeare et son Hamlet convoqués dans le plus improbable endroit qui soit : un établissement pénitentiaire de sécurité maximale, peuplé de gros bras, généreusement tatoués ! Ici le look bad guy est de mise : pour survivre il faut sembler plus féroce que ses congénères, plus hargneux. Tout semblant de fragilité est une faille fatale, qui peut permettre à d’autres de s’y engouffrer, de prendre le dessus.

Dans ce huis-clos à perpétuité, il semblerait presque futile de se demander, à l’instar de Rodessa Jones, si « l’art est peut-être le parachute qui nous sauvera tous. » Pourtant, pour une poignée de ces « longues peines », les ateliers de théâtre acceptés par l’administration semblent être devenus une branche essentielle à laquelle se raccrocher pour s’évader d’eux-mêmes – et partir à la reconquête de leurs sentiments, de leur humanité. John Whitfield, surnommé Divine G (remarquablement interprété par Colman Domingo), qui participe à ce programme, semble porté, presque hanté par lui. Il y voit plus qu’une échappatoire, une façon de redonner du sens à une vie qui n’avait plus guère de saveur. Nombreux sont les prisonniers qui y postulent, rares sont les élus… À la surprise générale, l’un des pires caïds de la prison, Clarence Maclin (dans son propre rôle), dit « Divine Eye », va demander à s’intégrer au programme. D’abord pour de mauvaises, obscures ou inavouables raisons – la moins farfelue étant d’impressionner favorablement les juges pour obtenir une remise de peine… Qu’en sait-on ? Son arrivée dans la petite troupe ne se fait pas sans quelques inquiétudes et rivalités… Mais progressivement autre chose se joue, de plus subtil, de plus durable. Quelque chose qui pourrait s’apparenter à un brouillon de solidarité, qui pourrait le conduire à découvrir d’autres facettes de lui-même…

Plus encore qu’un film choral, voilà un film coopératif, communautaire au sens noble, jusque dans son montage financier. Tous, techniciens, producteurs, acteurs, oscarisés comme « non professionnels », ont joué le jeu d’être salariés sur un pied d’égalité, payés au même tarif. Le ciment commun se réduisant à l’envie de faire avancer l’aventure, à ramer dans le même sens. Sing Sing transpire de cette force de conviction partagée, dénonçant avec force la perversion du système pénitentiaire. Car si le nom de Sing Sing sonne comme une promesse de comédie musicale enchanteresse, la seule chose qui le soit est la nature environnante, à portée de vue mais jamais à portée de vie des détenus. Un cadre extérieur ravissant, une rivière fraîche qui donne envie d’y plonger, un ciel qui donne envie de s’envoler, un train qui passe et donne envie de voyager… Un univers inaccessible qui susurre en permanence à l’oreille de chaque prisonnier : regarde bien toute cette vie que tu rates… comme une torture morale supplémentaire, qui ajoute à la privation de liberté un impossible accès à la beauté…
« D’après une histoire vraie » – et ici ce n’est pas usurpé – Sing Sing se déploie avec force et conviction jusqu’à procurer de sacrés frissons. Et au moment du baisser de rideau, foin de nos réticences : c’est l’authenticité qui l’emporte.

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