
Le cinéma Amitié+ de Wingen-sur-Moder a le plaisir de vous proposer un mardi société : Mardi 29 avril à 20h15 Covas do Barroso, chronique d’une lutte collective |
Débat après le film en présence d’autochtones. |
VOST (PT) – De Paulo Carneiro
Avec Aida Fernandes, Maria Loureiro, Elisabete Pires
26 mars 2025 en salle | 1h 17min | Comédie, Documentaire
Synopsis et critique : Utopia
Nous sommes en 2019 après Jésus-Christ. Toute la péninsule Ibérique est sous domination du libéralisme destructeur… Toute ? Non ! Un village peuplé d’irréductibles Portugais résiste encore et toujours à l’envahisseur : tout au nord du pays, les habitants de Covas do Barroso combattent pied à pied le projet de la British Savannah Resources qui prévoit d’éventrer la montagne, pour créer rien de moins que la plus grande mine de lithium (600 hectares) à ciel ouvert d’Europe. Et pourtant, à Covas do Barroso comme en Ardèche, que la montagne est belle ! Foin de poésie : dans sa fuite en avant technologique, le monde moderne a besoin de lithium. De beaucoup de lithium. Pour mettre dans les piles, dans les batteries de nos smartphones, de nos ordinateurs – surtout dans les batteries des bagnoles électriques censées remédier au plus urgent de la catastrophe écologique en cours tout en préservant la Sainte Croissance économique. Il est donc nécessaire de défoncer les paysages magnifiques, montagneux, forestiers, cultivés, de Covas do Barroso. D’autant qu’avec une petite cinquantaine d’habitants au kilomètre carré et une économie agricole d’une rare rudesse, il y avait fort à parier que les derniers paysans du coin ne feraient pas trop de difficultés pour troquer le contenu de leur sous-sol en échange d’une vague promesse de création d’emplois et d’une revitalisation de ce territoire arriéré…
Pari perdu. Mi-Gaulois réfractaires, mi-derniers des Mohicans, ces gens-là ne comprennent rien à la marche inéluctable du progrès et refusent de voir forer, dévaster leur pays pour faire rouler des voitures certifiées Crit’Air 1 à Paris ou à Malmö. Pire : les paysans de cette « région moribonde » (au dire des Autorités) semblent tenir mordicus à leurs exploitations qui ont valu à leur territoire en 2018 d’être classifié par la FAO comme Patrimoine Agricole Mondial, prenant en compte « la forme traditionnelle de travailler la terre, le soin des animaux et l’entraide entre ses habitants » (la seule région du Portugal à bénéficier de cette classification, elles ne sont que 7 dans toute l’Europe). Sollicité par des militants opposés au chantier, le cinéaste Paulo Carneiro a d’abord pensé sagement documenter cette histoire de résistance acharnée de David contre Goliath. « Lorsque j’ai commencé à organiser le tournage à Covas do Barroso, la lutte traversait une période difficile. Plusieurs des habitants les plus engagés étaient au bout du rouleau, fatigués par des années de mobilisation et malmenés par les mensonges politiques du gouvernement. Après quelques séjours, je leur ai proposé de changer notre fusil d’épaule, de renverser la table et de créer ensemble une fiction, où ils rejoueraient leur propre rôle, autour de certains des épisodes qu’ils avaient réellement vécus. À ce moment-là, j’ai découvert chez eux une force que je n’avais pas perçue encore. Tout à coup, il m’a semblé que le défi du tournage les embarquait, qu’ils avaient pris la responsabilité du film. Ils voulaient donner l’image d’un peuple combatif ».
Le résultat est un objet bien plus joyeusement hybride qu’un vulgaire moteur de voiture ! Resserré sur quatre saisons qui recouvrent des années de lutte, le film tient à la fois du documentaire engagé, de la fable politique, du western utopique – dans un geste frondeur, rageur et narquois. Dans ce film choral unique, les villageois (re)jouent donc leur rôle, des situations vécues, parfois subtilement travesties, avec sérieux mais en s’autorisant ça-et-là une bonne dose d’humour. Ils tiennent véritablement les rênes d’un film-manifeste aux images sublimes, simple, généreux et puissant comme un appel à l’insurrection – symbole des résistances populaires aux « grands projets » non seulement inutiles, mais violemment destructeurs.
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