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VOST (EN) – De Andrea Arnold

Avec Barry Keoghan, Franz Rogowski, Nykiya Adams

1 janvier 2025 en salle | 1h 58min | Drame

Synopsis et critique : Utopia

Si les films d’Andrea Arnold sont tous différents (et on les connaît bien vu qu’on vous les propose avec un enthousiasme sans cesse renouvelé depuis son premier long métrage en 2006, Red road), ils ont tous en commun d’être des expériences sensorielles et émotionnelles qu’on ne peut pleinement apprécier qu’en salle de cinéma. Elle fonctionne à l’instinct, chaque film est une aventure humaine au plus près de ses interprètes, captant ces instants fugaces où scénario et réalité se confondent pour faire exister les personnages avec un pouvoir de fascination et d’émerveillement comme on en voit peu.
Elle avait dans son dernier long métrage de fiction, American Honey, parcouru les États-Unis avec sa troupe d’acteurs en caravane, tels les personnages du récit, au son d’une playlist géniale, comme toujours dans ses films, omniprésente sur les lieux de tournage – la musique a une présence organique dans son cinéma : Bird est rythmé par Coldplay, Blur, The Verve, Fontaines DC… et des compositions originales de Burial. Comme pour ses autres films, toutes les scènes ont été filmées dans l’ordre, acteurs et personnages évoluant à l’unisson, et nous avec, emportés dans le tourbillon de leurs parcours initiatiques. Car s’il y a une chose dont on est sûr avec les films d’Andrea Arnold, c’est qu’on ne sait jamais à quoi s’attendre, tant ses histoires sont comme la vie même, chaotiques et imprévisibles : « je ne planifie rien, ce sont plutôt les idées qui me cueillent ».

Depuis son premier film, elle travaille avec le même directeur de la photographie, Robbie Ryan (collaborateur par ailleurs de Stephen Frears et Ken Loach), créant ainsi une complicité qui leur permet de filmer intimement les corps et les êtres dans leurs interactions et leur rapport avec la nature, filmant l’animalité des humains et l’humanité des animaux avec la même proximité. Car depuis Fish Tank, ce naturalisme n’est pas que social et l’irruption de la nature dans ses films apporte une grâce et des moments poétiques, souvent à la lisière du fantastique, qui donnent à son cinéma cette dimension merveilleuse si particulière. « Petite, j’aimais vagabonder à l’extérieur. J’aimais m’allonger dans les champs, profiter de l’été. À la maison, c’était assez chaotique. La nature m’offrait du réconfort, une échappatoire. »

Bird est un retour au nid en quelque sorte, à l’image de ce goéland qui ouvre le film, le regard fixé sur Bailey, l’héroïne, dans la ville natale de la réalisatrice, Dartford dans le Kent, ville côtière de l’estuaire de la Tamise près de Londres : « j’étais allée un peu partout avant ce film, et cela me faisait revenir chez moi ». Âgée de douze ans, proche de la puberté, Bailey vit avec son frère, son père et sa nouvelle copine dans un squat. Son père Hunter est du genre couvert de tatouages, toujours en recherche d’expédients pour gagner quelques sous et faire vivre sa petite tribu, le dernier en date étant la découverte d’un crapaud aux sécrétions hallucinogènes providentielles grâce auxquelles il espère toucher le gros lot ! Une famille décomposée brinquebalante mais qui s’en sort tant bien que mal et au sein de laquelle Bailey va devoir grandir très vite vu l’immaturité de ses très jeunes parents.
Elle rencontre un personnage étrange, à la démarche comparable à celle d’un oiseau blessé, assez doux mais un peu paumé, qui atterrit dans leur bourgade, orphelin à la recherche de ses parents. Tout en le prenant sous son aile et l’aidant à retrouver leurs traces, elle va à son contact prendre de la hauteur et poser un regard plus apaisé sur le monde, découvrant que « personne n’est jamais personne ». Si cette familiarité d’Andrea Arnold avec les lieux se ressent, le film par contre nous emmènera sur des chemins beaucoup moins habituels, flirtant avec le cinéma fantastique, faisant de Bird un drôle d’oiseau, magnifique, étrange et fascinant.

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