Black Dog

Chargement Évènements

VOST (ZH) – De Hu Guan

Avec Eddie Peng, Liya Tong, Jia Zhangke

5 mars 2025 en salle | 1h 50min | Drame

Synopsis et critique : Utopia

Certaines œuvres vous happent dès le premier plan, dès la première phrase, les premières notes, sans jamais vous lâcher jusqu’à la toute fin et bien au-delà. Sans dévoiler ce premier panoramique incroyable qui ouvre le film sur le désert de Gobi, Black Dog est de celles-ci, d’une fulgurance aussi rare qu’une éclipse solaire totale, telle celle du premier août 2008 qui traversa une Chine sur le point de basculer dans une modernisation effrénée marquée par l’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin une semaine plus tard.
Quasiment inconnu en Europe, Guan Hu n’en est pourtant pas à son premier essai et il a fait ses preuves aux commandes de productions à gros budget. On en est loin ici et Black Dog est donc l’oeuvre très personnelle d’un cinéaste aguerri. On est d’abord frappé par la présence animale qui habite le film, par sa vision de notre propre nature qui nous donne les ressources pour défier l’autorité, surgissant comme par magie dans des paysages industriels anonymes et déshumanisés. Plus surprenant, on découvre un sens irrésistible de la comédie, du burlesque, subtil et laconique, et un goût prononcé pour les Pink Floyd et Jack Kerouac. Profondeur et originalité du récit et des personnages, large éventail d’émotions, vastes étendues désolées et hypnotiques font de Black Dog un de ces films rares qui suscitent un enthousiasme unanime (au sein des équipes Utopia en tout cas !).

Lang Yonghui, 38 ans, 38 jours avant la cérémonie d’ouverture des jeux, vient de sortir de prison pour bonne conduite après huit ans et rentre dans sa ville natale, Chixia, une ancienne cité pétrolière dans l’ouest de la Chine, aux portes du désert. Autrefois motard de cirque célébré et renommé, certains le reconnaissent et on découvre peu à peu son histoire à travers eux, car il est plutôt du genre taiseux. Le voisin de sa maison familiale l’accueille pour lui remettre les clefs au son d’un électrolarynx qui fait étrangement écho aux annonces officielles retransmises par de vieux haut-parleurs résonnant dans les rues de cette ville peu à peu désertée par ses habitants. Un poster défraichi de The Wall est encore fièrement accroché au mur de sa chambre d’adolescent, près d’un vieux poste radiocassette et de sa guitare posée près du lit. Sa vieille moto recouverte d’une bâche poussiéreuse dans un garage à l’abandon semble l’avoir attendu depuis toutes ses années, comme si le temps avait été suspendu. Le théâtre où il se produisait est fermé, son père alcoolique s’est réfugié au zoo voué aussi à la disparition, s’occupant des animaux comme il peut avec les moyens qui lui restent. Ils appellent ça « un nouveau plan urbain », et des habitants qui peuplaient cette ville jadis bouillonnante d’activité humaine, il ne reste plus qu’une multitude de chiens abandonnés par leurs maîtres.
Lang, lui, ne peut pas sortir du périmètre de la ville et doit se réintégrer, restreint par son passeport intérieur (hukou). Entre deux immeubles vides, pissant contre un mur, il va empiéter sans le savoir sur le territoire d’un chien noir efflanqué, un lévrier qui le chasse et revient pour pisser par-dessus pour reprendre le terrain. Enrôlé par la patrouille chargée de capturer les chiens errants (leur chef, M. Yao, est joué par Jia Zhangke !), il est chargé de convoyer ce chien soupçonné d’avoir la rage. Coincés dans une tempête de sable, ils vont se rapprocher, être secourus par une troupe de théâtre ambulant et il va y rencontrer une danseuse, un peu désenchantée elle aussi.

Dans cette ville oubliée de la modernisation de la société chinoise, au bord des nouvelles routes de la soie à la lisière du désert de Gobi, Lang va, au contact de ces êtres égarés, enfourcher à nouveau sa vieille bécane, accorder sa guitare et affronter son passé. Black Dog est l’histoire d’un retour à la vie dans un monde qui disparaît. Au soir de sa dernière représentation, avant de reprendre la route, la troupe du cirque annonce ainsi son départ : « faites vos valises, on va vers le sud. Partez si vous en avez envie, tombez amoureux si vous le pouvez, le cirque continue, avec ou sans vous. Puisse le destin nous réunir à nouveau. » Le film est dédié à tous ceux qui ont repris la route… Comme le dit la chanson, « Hit the road, Lang ! »

Aller en haut