VOST (JP) – De Ryo Takebayashi
Avec Makita Sports, Wan Marui
8 mai 2024 en salle | 1h 23min | Comédie
Synopsis et critique : Utopia
Cette joyeuse comédie fantastique et sociale japonaise pourrait être le pendant nippon du génial Un jour sans fin de Harold Ramis, comédie des années 1990 dans laquelle Bill Murray incarne un reporter envoyé par sa chaîne couvrir au fin fond du Midwest une improbable fête de la marmotte (d’où le titre original du film : Groundhog day, « le jour de la marmotte »). Suite à des intempéries qui l’empêchent de repartir le jour même, il doit dormir sur place, et découvre en se réveillant que le jour nouveau est la copie exacte de la veille. Pendant plusieurs jours d’affilée, il va revivre inlassablement la même journée, ce qui a finalement des bons côtés, comme apprendre progressivement la meilleure manière de séduire le personnage incarné par la merveilleuse Andie MacDowell…
Mais revenons à notre comédie japonaise… Pour Mademoiselle Yoshikawa, conceptrice publicitaire, se réveiller un lundi matin la joue écrasée sur les touches en plastique de son clavier d’ordinateur n’a rien d’étonnant. Au Japon, où le dévouement absolu à son entreprise et aux tâches qui incombent à chaque employé passe avant toute autre valeur, dormir au bureau est monnaie courante. À tel point qu’un mot existe, « l’inemuri », pour désigner cette capacité que développent salariées et salariés de dormir partout pour être opérationnels le plus vite possible après quelques trop chiches heures de sommeil. Même si Mademoiselle Yoshikawa ambitionne de quitter sa trop modeste agence pour une autre plus prospère, elle n’en a pas moins un travail à finir, une mission de la plus haute importance : la création d’une publicité pour une soupe miso révolutionnaire parce qu’effervescente. Soit, mais quelques instants après son réveil, un pigeon s’écrase contre la vitre, puis un accident se produit dans la rue. Et tout cela a un petit air de « déjà-vu » qui la laisse perplexe, jusqu’à ce que ses jeunes collègues lui fassent part de la même impression : ils ont déjà vécu cette situation la veille. Et leur conviction est rapidement faite : ils vivent chaque jour le même lundi ! Après un moment de panique, ils voient quelques aspects positifs : cette maudite pub qu’ils n’arrivent pas à boucler dans les temps pourra être peaufinée et ils peuvent anticiper tous les moments de la journée, donc toutes les réflexions de leur chef de bureau, un sexagénaire proche de la retraite. Mais tout de même, ils vont se mettre en quête d’un moyen de rompre la malédiction afin de changer enfin de semaine et d’avoir un avenir…
Sous les atours d’une comédie trépidante à suspense, Comme un lundi s’avère – dans un Japon où on a donné un nom aux suicides liés au surmenage tant ils sont fréquents et où le ministère du travail est confondu avec celui de la santé – un petit coup de pied salutaire dans la culture de l’enfermement lié au travail, une culture qui induit la soumission à l’entreprise et l’individualisme le plus acharné dans l’ascension sociale. Dans Comme un lundi, les jeunes travailleurs de l’agence s’unissent pour contourner la hiérarchie âgée, se sortir de leur situation inextricable et en même temps se libérer de leur aliénation. Sous le film de pur divertissement se dévoile ainsi un film politique qui ne se prend pas au sérieux mais qui frappe fort et juste.