VF – De Edward Berger
Avec Ralph Fiennes, Stanley Tucci, Isabella Rossellini
4 décembre 2024 en salle | 2h 00min | Thriller
Synopsis et critique : Utopia
Nous étions trois ce matin-là, encore fatigués par les frimas de la veille. Trois venus d’horizons complètement différents, l’une ayant abandonné cette religion, l’un croyant à une autre, le petit dernier élevé en parfait mécréant. Trois générations immédiatement scotchées par le scénario implacable de Conclave, sa précision millimétrée, l’excellence du jeu des acteurs. Ce n’était pourtant pas gagné. Pas évident de nous plaquer à nos fauteuils avec quelque chose d’aussi peu sexy, sur le papier, que les secrets dessous d’une élection pontificale ! D’autant qu’on se disait que, selon toutes probabilités, ce gros film ne serait pas pour nous, pas pour les salles Utopia. Et puis… on a dû abdiquer dès les premières images et admettre que cet opus (pas du tout dei) avait toute sa place sur nos écrans.
Ce matin-là, le Pape est mort ! Dans sa chambre spartiate semble planer une ombre cruelle et prémonitoire. La tension instantanément se fait oppressante. Tout est pesant, tout est pesé, comme chaque mot que l’on va envoyer à la presse, pour ne jamais prêter le flanc à de potentiels ennemis. Autour du Saint Père, l’émotion et les larmes coulent à flots, qu’elles soient sincères ou de crocodile. Quand bien même l’heure devrait être au deuil, l’emploi du temps ne s’y soumet pas. Si certains semblent véritablement bouleversés, d’autres ne perdent ni le Nord, ni une seule seconde. Il s’avèrera bien vite qu’ils ont tenté, à l’instar du défunt souverain pontife, d’avoir plusieurs coups d’avance sur l’échiquier du pouvoir. Un règne chassant l’autre, la fin d’un règne sonne fatalement l’avènement d’un autre. Comme le déclarera un cardinal, tous les hommes occupant cette fonction rêvent en secret de devenir pape. Seul le Cardinal Lawrence, leur doyen (ce qui ne veut pas du tout dire qu’il est le plus âgé), semble nier cette ambition, ce qui le rendra d’autant plus suspect aux yeux de ses confrères. Derrière leurs airs de brebis de dieu, semblent se réveiller de bas instincts de gladiateurs, qui s’apprêtent à entrer dans l’arène, celle où tout se joue, dans le huis-clos de la Chapelle Sixtine, loin du regard des vulgaires mortels, loin du regard des fidèles.
« Extra omnes ! », « dehors tous ! ». Par cette formule, le maître des cérémonies pontificales annonce le début du conclave, les portes se referment sur les cardinaux électeurs et ne s’ouvriront qu’une fois l’élection du nouveau Pape avérée et la fumée blanche lâchée dans le ciel romain. Autant dire qu’à cet instant même, la guerre est déclarée. Elle ne passe pas par les armes, mais elle sera tout aussi sanglante pour les réputations, la mort sociale de certains… On le pressent. C’est furieusement palpitant. On est presque hypnotisé par la justesse du portrait du Vatican, du moindre détail. Par la place laissée aux moindres chevilles ouvrières de cet antre de la religion catholique. La place laissée à ces nonnes triées sur le volet, servant les hommes de Dieu en espérant le servir lui, le Tout Puissant, qui s’affairent le plus silencieusement possible, pour se faire oublier, pour ne pas risquer de troubler la moindre pensée divine, autrement dit masculine. Mais en bout de course, leur silence finira peut-être par faire plus de raffut que le bruit des bottes du monde environnant, qui se détraque progressivement.
Comment ne pas conclure en faisant un clin d’œil aux excellents journalistes du journal canadien Le Devoir qui titrent : « Conclave : le mystère de la mauvaise foi » ! Tandis que les tags des jeunes internautes, biberonnés à la saga Harry Potter, fusent sur les réseaux sociaux : Voldemort (alias Ralph Fiennes qui interprète ici le rôle du doyen Lawrence) au Vatican : on est tous foutus !