VF – De Antoine Chevrollier
Avec Sayyid El Alami, Amaury Foucher, Damien Bonnard
5 février 2025 en salle | 1h 43min | Drame
Synopsis et critique : Utopia
L’adrénaline, le bruit frénétique des rupteurs, les défis cons lancés entre copains pour se la jouer genre j’ai peur de rien. Les sensations incomparables ressenties au guidon, les frissons du danger. Willy et Jojo partagent une passion commune pour la moto. La motocross plus exactement. Ils passent le plus clair de leur temps à la Pampa, le terrain de motocross qu’ils sillonnent encore et encore. Surtout Jojo qui est inscrit pour un championnat, qui doit s’entraîner sans relâche pour accéder au sans faute, à la perfection même, que son père David (Damien Bonnard) le pousse à atteindre, toujours là à relever ce qu’il a mal fait, la mauvaise position, le mauvais angle d’attaque dans un virage. C’est pour ça qu’il a chargé Teddy (Artus) d’entraîner son fils : arriver premier, tout déchirer, pratiquer tous les jours inlassablement pour ne commettre aucune erreur. Et bien sûr Willy est là, présent à chaque instant, soutien infaillible de Jojo. Ces deux-là sont, depuis leur plus tendre enfance, les meilleurs amis du monde. Ils partagent tout jusqu’à avoir un tatouage sur leurs bras qui se complète quand ils les rapprochent. Mais partagent-ils vraiment tout ? Dit-on vraiment tout de ce que l’on vit à son meilleur ami ?
Pour Jojo, la pression de son père est compliquée à gérer mais Willy vit une vraie mauvaise passe : c’est compliqué chez lui depuis la mort de son père, avec sa mère qui doit refaire sa vie et qui veut vendre la maison familiale pour repartir de zéro. Alors oui, Willy l’envoie paître trop souvent, montre à quel point il déteste ce type qui veut prendre la place de son père disparu trop tôt, fait ce qu’il a envie et se fout de pas mal de choses.
Un soir, suite à une énième dispute familiale, Willy doit retourner à la Pampa récupérer un outil qu’il avait promis de ramener à sa mère. Et voit quelque chose qu’il n’était pas du tout censé voir. Un secret que Jojo avait pris bien soin de garder pour lui. Un secret qui le laisse comme paralysé, un secret délicat qui pourrait tout gâcher.
Leur relation s’en trouve refroidie, pas tant parce que Willy est choqué par ce qu’il a vu mais parce que Jojo ne lui en a jamais parlé. Alors qu’ils s’étaient promis de toujours tout se dire. Comment a-t-il pu lui cacher quelque chose de si important ? Ce moment de flottement ne dure pas longtemps, les deux amis comptant trop l’un pour l’autre. Mais voilà, tout le monde n’est pas comme Willy et, quand le secret est découvert par quelqu’un d’autre et fuite de partout dans leur entourage, tout fout le camp bien plus rapidement qu’une moto lâchée pleins gaz…
Un superbe premier film pour Antoine Chevrollier, connu jusque-là pour la réalisation de plusieurs épisodes des remarquables séries télévisées Le Bureau des légendes et Baron noir et créateur de la non moins formidable Oussekine. Il parvient à nous questionner sur des sujets comme la virilité – plus particulièrement les jeux et les enjeux virilistes qui plombent le monde du sport –, le déterminisme social, la difficulté de s’extraire de sa condition même avec toute la volonté du monde, l’exclusion de manière générale…
Côté interprétation, Damien Bonnard est comme d’habitude parfait, tandis qu’Artus nous étonne et nous convainc dans ce rôle d’entraîneur si loin de tout ce qu’il a pu faire auparavant. Quant aux deux jeunes, Jojo – Amaury Foucher (Jojo) et Willy – Sayyid El Alami (qui interprétait d’ailleurs Malik Oussekine dans la série d’Antoine Chevrollier et que l’on retrouve dans Leurs enfants après eux sur cette même gazette), ils crèvent littéralement l’écran par leur justesse, leur complicité et par la sincérité des émotions qu’ils nous transmettent.