Le Grand chariot

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[Cinéma] – De Philippe Garrel

Avec Louis Garrel, Damien Mongin, Esther Garrel
1h 35min / Drame

+ Tu vas revenir ? – 2020/FR/2mn (court métrage précédant le film)

Synopsis et critique : 

« Qu’est-ce que tu regardes ? – Rien – Qu’est-ce que tu vois ? – Tout. » C’est un film de maître-miniaturiste nourri par les multiples couches invisibles de toute une existence d’artiste-artisan et d’homme que Philippe Garrel livre avec Le Grand chariot, 28e long métrage d’une carrière ayant traversé les époques sans compromis avec l’essence de sa quête poétique et exigeante du cinéma. Et, sans vouloir enterrer prématurément le réalisateur, son nouvel opus a un peu des allures de testament (ne cédant pas néanmoins au crépusculaire, le film étant d’ailleurs en couleurs, événement plutôt rare dans sa filmographie) ou de passage de relais, voire d’hommage à une lignée d’artistes, puisque sont réunis pour la première fois à l’écran les trois enfants (Louis, Esther et Lena) du réalisateur et que l’intrigue tourne autour d’une compagnie familiale de marionnettistes (métier qu’avait exercé Maurice Garrel, le père de Philippe, avant de devenir acteur).
Ceci étant dit, il ne s’agit évidemment pas d’un documentaire familial, même si les exégètes es Garrel pourront certainement décoder beaucoup d’éléments biographiques. Car le réalisateur a désormais atteint un tel niveau de maîtrise de l’épure narrative romanesque et fluide (avec ses classiques comme la voix-off et ses navigations entre plusieurs personnages) qu’il peut prendre toute la hauteur nécessaire pour s’élever et transmuter toute confusion possible entre réalité et personnages en la création d’une œuvre simple et limpide de l’imagination et de l’esprit.

« Nous sommes une famille, mais pas seulement. Nous sommes aussi une troupe de théâtre à l’ancienne ». La constellation suggérée par le titre du film rassemble quatre étoiles et trois satellites autour de Simon (Aurélien Recoing) qui dirige la compagnie de marionnettistes héritée de son père. Ses trois enfants, Louis (Louis Garrel), Martha (Esther Garrel) et Lena (Lena Garrel) travaillent et vivent avec lui, tout comme la grand-mère (Francine Bergé) qui distille ses souvenirs au cours des repas en commun (« j’étais de gauche, donc pour ma mère une future criminelle, et j’ai rencontré un saltimbanque »). Les rejoint un ami de Louis, Pieter (Damien Mongin) qui ne rêve que d’assouvir sa vocation de peintre et qui s’éprend de Laure alors qu’il attend un enfant avec Hélène (toutes deux membres de la troupe)… Toutes les pièces des chassés-croisés sentimentaux et existentialistes typiques de l’univers de Philippe Garrel sont en place, tandis que des événements tragiques et brutaux qu’on ne vous dévoilera pas vont rebattre toutes les cartes, chacun ayant une perception différente de ce que doit être sa vie…

Ne forçant jamais le trait et évitant très soigneusement le moindre débordement mélodramatique, Philippe Garrel traite en douceur une multitude des sujets qui lui tiennent le plus à cœur (la vie d’artiste, la famille, l’amour, l’amitié, le temps). Une peinture parfaite dans sa modestie de surface masquant un autre monde derrière le rideau, créé par celui qui sait tirer les fils des marionnettes de la fiction et qui connaît tous les tours et les détours de l’existence.

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