VF – De Ellen Kuras
Avec Kate Winslet, Andy Samberg, Alexander Skarsgård
9 octobre 2024 en salle | 1h 57min | Biopic, Drame, Guerre
Synopsis et critique : Utopia
Dans mon petit panthéon personnel des actrices formidables, Kate Winslet occupe une place de choix. Par la longévité de sa carrière dans un milieu pas toujours bienveillant avec les comédiennes qui ont passé la quarantaine, par ses choix toujours inspirés et éclectiques (de Peter Jackson à Jane Campion en passant par Ang Lee ou Michel Gondry), par ses interprétations intenses et justes et par ses prises de position toujours nourries d’empathie et d’intelligence, elle brille d’un éclat singulier. Les vies multiples de Lee Miller, sa force de caractère, sa personnalité, son charisme, sa détermination : tout est réuni pour que la comédienne trouve dans le récit de son destin incroyable l’une de ses plus belles interprétations.
Ce biopic, Kate Winslet le porte sur ses épaules, et pas seulement à l’écran puisqu’elle batailla plusieurs années durant pour que le film puisse trouver ses financements. De facture classique, le film raconte avec élégance et sans fausse note la trajectoire hors du commun de celle qui fut tour à tour mannequin, muse et modèle de plusieurs grands artistes du XXe siècle, amie des poètes… avant de devenir photographe et reporter de guerre. Lee Miller est assez peu connue du grand public – beaucoup moins identifiée par exemple qu’un Robert Capa – et le film a le premier mérite de mettre en lumière le travail de cette grande photographe, qui réalisa quelques-uns des clichés les plus percutants de l’histoire de la photo de reportage, notamment bien sûr ceux qu’elle réalisa dans le camp de Dachau à la libération, une expérience qui la marqua profondément et dont elle ne se remit sans doute jamais tout à fait.
Le film commence alors qu’Elizabeth (Lee) Miller a définitivement mis un trait sur sa carrière de mannequin. Elle a côtoyé les plus grands artistes, été la muse et la maîtresse de Man Ray, mené la vie de bohème entre Paris et New-York mais s’intéresse de plus en plus à la photographie, domaine jusqu’alors réservé aux hommes. Peu de temps avant le début de la seconde guerre mondiale, elle fait la connaissance de Roland Penrose, peintre et poète britannique qui sera l’un des introducteurs du mouvement surréaliste en Angleterre. Pourtant, même avec beaucoup d’amour, Lee n’est pas franchement taillée pour la vie d’épouse et la pratique de la photo la démange. C’est alors qu’elle parvient, avec son bagou, son autorité naturelle et un brin de douce inconscience, à décrocher une mission pour l’agence Vogue à Londres : des photo-reportages à travers lesquels elle racontera l’autre histoire de la guerre, les femmes qui remplacent les hommes partis en front, le quotidien dans les usines mais aussi la pauvreté, les rationnements, les bombardements… Mais Lee veut aller au cœur de l’Histoire en marche, sur le front…
Le film suit les pas de cet oiseau voyageur sur une période assez réduite et c’est une des bonnes idées du film, qui évite ainsi le biopic à rallonge. Glissant peu à peu de la désinvolture et des frivolités des années trente aux horreurs de la Deuxième Guerre mondiale – avec en particulier les photographies glaçantes sur la libération des camps, qui resteront des années durant dans des cartons pour n’être finalement révélés qu’en 1991) –, le film raconte aussi, en filigrane, ce qui fut un élément essentiel dans la construction de la femme et de l’artiste : une enfance marquée par le viol.