Linda veut du poulet !

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A partir de 6 ans – De Chiara Malta, Sébastien Laudenbach

1h 16min / Animation, Comédie, Famille

Synopsis et critique : Utopia

On ne va pas tortiller, tergiverser, ergoter, barguigner : cet incroyable dessin animé, aussi virevoltant que tendre et bouleversant, nous a tellement emballés lors du Festival de Cannes que les plus audacieux lui auraient toutes affaires cessantes décerné tous les prix, les palmes, les tubas – malheureusement, ou heureusement (pour les autres), la foisonnante et audacieuse sélection de l’ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) ne permet pas de concourir à la distribution de breloques. N’empêche, s’il en est un qui, tel une entrainante chanson de Charles Trenet, nous est durablement resté dans la tête et dans le cœur, s’il en est un qui, toutes sections confondues, a durablement ensoleillé nos vies, s’il en est un qui devrait être remboursé par la Sécu, c’est d’abord celui-là. Et qu’on ne vienne pas nous dire que c’est rien que du dessin animé pour les marmots. Oh, que non ! Linda veut du poulet se voit et se déguste à tout âge ! Minots en culottes courtes ou adultes facétieux, préados émerveillables et vieux fourneaux malicieux, il est destiné à absolument tout le monde ! Oyez donc les extraordinaires et mémorables aventures de Linda, une épatante gamine de huit ans, obsédée par une recette de poulet aux poivrons – sa madeleine de Proust à elle, une odeur, évocation plus qu’un souvenir d’un plat délicieux que préparait rituellement un papa qu’elle n’a pour ainsi dire pas connu. Cette envie impérieuse de poulet, à laquelle sa mère ne saurait s’opposer, s’avérant particulièrement difficile à assouvir quand toute la France est immobilisée par une grève générale, qui frappe même les supermarchés et leurs frigos garnis de volailles de Bresse, Loué ou Saint-Sever ! Mais n’anticipons pas.

Tout commence par un malentendu, une sombre histoire de béret et de bague. Le béret, si joli, a été gentiment prêté à Linda par sa copine Annette. La bague, c’est l’alliance de Paulette, la maman qui élève seule sa Linda de fille. Or, constatant que son anneau a disparu, Paulette se persuade que sa friponne de fille l’a échangé contre le béret de sa copine ! Accusation injuste, infondée, mais néanmoins assortie d’une punition (Ah ! Les grandes injustices dont sont capables les mamans surmenées, fatiguées…). Faut-il en dire beaucoup plus ? Une fois l’injustice vite éventée (on vous laisse le plaisir de découvrir comment le chat de la maison n’est pas pour rien dans la disparition du bijou), encore faut-il réparer. Paulette va donc devoir, pour se faire pardonner, céder au premier souhait, au premier caprice de sa grande. Et c’est tellement simple de contenter cette enfant : Linda veut du poulet. Aux poivrons.
Le dessin est beau, simple et ébouriffant, l’animation d’une inventivité permanente qui autorise toutes les divagations, toutes les folies et l’expression graphique, sensible, poétique, ouvre à toutes les sensations, toutes les réminiscences. On n’avait sans doute plus vu autant d’inventivité au cinéma depuis les animations épatantes de l’Office national du film du Canada – mis à part, bien sûr, La Jeune fille sans mains, l’extraordinaire précédent film de Sébastien Laudenbach, adapté d’un conte (déjà, mais plus sombre) des frères Grimm. Drôle et trépidant, Linda veut du poulet est un manifeste joyeux et libertaire du droit au bonheur, mais aussi un film très touchant sur le deuil, sur la fraternité des petites gens dans la cité populaire où vivent, rêvent, jouent et s’émancipent Linda et ses copines, délivrées de leurs boulets de parents. Où toute une tribu entre Pennac et Prévert, un peu louftingue, composée d’un chauffeur routier allergique et de sa vieille maman, d’un flic pas vraiment à cheval sur le respect dû à l’uniforme, d’une tante censément revêche lestée de bonbons gélatineux, d’un ado vaguement grunge sorti de sa ferme, d’une armada de mômes déchaînés… n’aura de cesse que la volaille soit enfin passée à la casserole. Accompagnée, pour le plus grand bonheur de Linda, de tout ce qu’il faut de poivrons.

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