[Cinéma] – VOST (JP) – De Genki Kawamura
Avec Masaki Suda, Mieko Harada, Masami Nagasawa
1h 44min / Drame
+ Hot dog – 2019/FR/6mn (court métrage précédant le film)
Synopsis et critique : Utopia
Le soir du 31 décembre, Izumi rend visite à sa mère pour les fêtes de fin d’année, mais elle n’est pas chez elle. Inquiet, il se lance à sa recherche et la retrouve finalement sur une balançoire d’un parc voisin où elle semble perdue, seule, insensible au froid de cette nuit d’hiver. Première manifestation de la maladie qui la ronge, cet événement est le signe de l’inexorable perte de mémoire à laquelle est désormais condamnée Yuriko. Pourtant, il faudra du temps à Izumi pour se rendre à l’évidence et accepter le mal dont souffre sa mère. Il faudra du temps, un diagnostic médical sans appel et la traversée houleuse de souvenirs déchirants qui le rongent silencieusement depuis des années.
N’oublie pas les fleurs nous raconte cette traversée du silence par deux êtres qui s’aiment mais ne se comprennent plus, enlisés dans leurs secrets, tabous et autres regrets jusqu’à ce que la perte de la mémoire liée à la maladie vienne les pousser dans leurs retranchements et leur ré-apprendre à se découvrir lentement, délicatement, déplaçant ainsi la réflexion de la maladie vers ce qui constitue notre humanité profonde : nos souvenirs et l’émotion qui leur est liée.
À mesure que les souvenirs de Yuriko s’estompent, ceux de l’enfance d’Izumi ressurgissent. En prenant soin de sa mère, il tente de comprendre ce qui l’a éloigné de celle qui l’a élevé seule en l’absence de son père. Il s’interroge sur le sens de leur relation, pour retrouver l’essentiel de ce qui leur reste à présent et se réconcilier avec toute une part de lui-même, au moment où il va devenir père à son tour.
N’oublie pas les fleurs, vous l’aurez compris, ne se réduit pas à un énième film sur la maladie d’Alzheimer. L’héroïne est professeur de piano et tout au long du film, on évolue dans l’univers de la musique, forcément chargé d’émotions, notamment à travers Les Rêveries de Schumann, un morceau qui revient plusieurs fois au cours du récit, comme pour mieux ponctuer certains événements. Une sensibilité que le réalisateur met en contraste avec la machine virtuelle à laquelle travaillent Izumi et sa compagne dans leur studio de musique, pour créer cette femme au visage suffisamment flou pour que chacun s’y projette, et aux mille et une données emmagasinées pour lui permettre de créer le morceau idéal à la convenance de son usager.
Présenté en compétition à San Sebastián, N’oublie pas les fleurs marque les débuts derrière la caméra de Genki Kawamura. Il s’est auparavant distingué en tant que producteur, en particulier de films d’animation importants. Il adapte ici à l’écran son propre roman écrit en 2019, grand succès au Japon : « Mon désir de faire ce film remonte à quelques années, lorsque j’ai réalisé que ma grand-mère commençait à oublier des choses. On lui a diagnostiqué la maladie d’Alzheimer et j’ai décidé d’écrire un roman à ce sujet. Lorsqu’il a été question d’éventuellement adapter ce livre, je me suis dit que l’histoire m’était trop personnelle pour que je laisse quelqu’un d’autre réaliser ce projet. C’était ma grand-mère, il fallait que ça devienne mon film. » C’est donc tout naturellement dans cette magnifique expérience professionnelle et émotionnelle qu’il va puiser une riche palette de couleurs pour incarner ses personnages et les faire vibrer ensemble, dans cette relation mère-fils empreinte de douceur, de pureté, de tendresse et de poésie.