Où est la Maison de mon Ami

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[Ciné-débat / Vous avez dit culte ?] – 1990 – De Abbas Kiarostami

Avec Babek Ahmad Poor, Ahmed Ahmed Poor, Kheda Barech Defai
1h 24min / Drame, Famille

Débat en présence de Gersende Alix

Synopsis et critique : Benshi

Le sage Ahmad, 8 ans à peine, est assis en classe à côté de son copain Nematzadé. Ce dernier se fait réprimander : une fois encore il n’a pas fait ses devoirs sur le cahier dédié. L’instituteur est intraitable : si ça recommence, il sera définitivement exclu de l’école.
En rentrant chez lui, Ahmad s’aperçoit qu’il a par erreur emporté le cahier de son copain. Saisi autant par l’effroi que par le sens de l’amitié, il va partir à sa recherche pour le lui rendre. Mais comment retrouver son adresse exacte ? Personne ne comprend l’urgence de son problème, ni sa famille, ni aucun adulte.
Ahmad va alors devoir dénouer l’écheveau des obligations et des contradictions dans lesquelles les grands l’enserrent, pour trouver son chemin de petit d’homme et sauver son ami.

L’intérêt porté au parcours de cet enfant des campagnes iraniennes nous permet d’apprécier autant la découverte de son quotidien que le suspense et la tension maximum qui en sont tirés : dans un apparent paradoxe, lépure documentaire génère dans chaque plan toute la densité de la fiction présentée.
Ahmad rentre chez lui après l’école. Dans le patio de sa maison, entre une mère irritée qui étend le linge, une grand-mère usée qui arrose les plantes et un bébé affamé, notre attention est saisie par la façon dont il arrive, en funambule, à composer calmement avec toutes les instructions des unes et des autres, son âge imposant qu’il serve chacun sans broncher.
Chaque détail de ces événements documentaires à l’intérieur du foyer nous donne la mesure de l’organisation sociale qui régit l’extérieur d’un pays qui se dévoile à nos yeux, et l’on devine que la marge de manœuvre du cinéaste pour en rendre compte est aussi fine que subtile puisqu’il ne peut consacrer de film aux femmes, en ces premières années de révolution islamique et de censure religieuse.
Mais l’intérêt est tout aussi grand de suivre la façon dont Ahmad persévère dans son obstination, sans couper les fils de la toile des obligations qui se tissent autour de lui jusque dans ses plus cruelles contradictions, car il lui est reproché de n’être pas assez serviable et en même temps de ne pas faire ses devoirs.
Comment va-t-il y arriver ? Quel mot peut faire basculer sa mère ? Le bébé va-t-il ou non se calmer ? Reste-t-il assez de temps pour rejoindre son ami ? Le temps est compté pour qu’Ahmad réussisse, et les secondes qui s’évanouissent une à une retiennent notre souffle.
Ainsi chaque instant du film est comme une pièce d’or dont les faces renvoient à égalité le plus grand prosaïsme et la poésie la plus raffinée, une élaboration scénaristique astucieusement tapissée et le sentiment que l’arbitraire peut en un rien balayer les projets les plus arrêtés.

Le vent souffle où il veut, et l’on en sent les effluves.

Le film soulève alors une grande réflexion : arriver à bien grandir dans ce monde ne serait-il pas tant devenir comme les adultes rompus à des lois qui les dépassent et les asservissent eux mêmes, que d’arriver à y résister, en protégeant son état d’enfance et la pureté des gestes qui s’y raccordent … quitte à tricher ou mentir pour cela ?

Sacré défi qui ne manquera pas de questionner tout jeune spectateur.

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