Scrapper

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VOST (GB) – De Charlotte Regan

Avec Harris Dickinson, Lola Campbell, Alin Uzun
1h 24min / Comédie, Drame

+ Rêves party – 2022/FR/3mn (court métrage précédant le film)

Synopsis et critique : Utopia

Comme vous l’aurez peut-être ressenti depuis quelque temps, le cinéma britannique est en plein renouveau. Après Charlotte Wells qui nous avait profondément touchés avec Aftersun, film sur la fragilité du sentiment filial, nous découvrons ici, dans un registre proche, le premier long-métrage d’une autre jeune réalisatrice londonienne. Et quand on sait que directrice de la photo du film n’est autre que Molly Manning Walker, la réalisatrice du percutant How to have sex, on a la confirmation de l’émergence d’une nouvelle vague anglo-saxonne. En digne héritière de Ken Loach dont elle est une fervente admiratrice, Charlotte Regan n’hésite pas à casser les codes du drame social et nous livre un regard personnel sur la classe ouvrière d’une banlieue de Londres. Affirmant un style très libre, formellement coloré et dynamique, elle réussit un film chaleureux et pêchu autour de thèmes pourtant difficiles : le deuil et la reconstruction familiale après désintégration.

En anglais, « scrapper » désigne quelqu’un qui se bagarre : dans le style combattante, Georgie (bluffante Lola Campbell), 12 ans, se pose un peu là ! Depuis la mort de sa mère, elle vit seule dans leur pavillon. À l’adage « il faut tout un village pour élever un enfant », elle annonce, irrévérencieuse, dès les premières minutes : « je peux m’élever seule, merci ». Pour assumer ce style de vie singulier, elle a mis en place une stratégie bien rodée qui lui permet de passer entre les filets des services sociaux. Dés ses premières apparitions, on est épaté par la débrouillardise, l’éloquence et le culot de cette gamine blonde, petite gavroche génération TikTok. Tout se passe plutôt bien pour elle : elle joue à la maîtresse de maison, reconstituant fidèlement le cocon domestique de sa mère. Elle traverse les étapes de son deuil à sa manière, grâce au soutien d’Ali, son meilleur ami et attachant complice de vol de vélos (avec une séquence de haut vol à ce propos !)
Jusqu’à ce que débarque Jason, un jeune homme blond peroxydé qu’elle ne connaît pas et qui déclare être son père biologique. Le bel équilibre qu’elle s’était créé se brise et voila que la petite fille grandie trop vite à cause des épreuves va devoir accepter l’intrusion de ce nouveau venu ! Commence un émouvant parcours initiatique non seulement pour Georgie, adulte dans un corps d’enfant, mais aussi pour Jason, enfant dans un corps d’adulte, qui va devoir apprivoiser sa fille après toutes ces années d’absence. Après l’étape de la méfiance surviendront les moments de complicité à travers les jeux, les regards, les répétitions de « choré » (séquences joyeuses et enlevées : la réalisatrice est renommée pour ses clips), un rapprochement facilité par l’humour et l’espièglerie qui les habitent tous les deux. Mais il reste pas mal de chemin à accomplir pour que Georgie cesse de résister, accepte les élans de paternité de Jason et lui fasse vraiment confiance…

Ce qui touche particulièrement dans le film, c’est la manière dont il traite le processus de deuil. Il est évident que l’arrivée soudaine d’un père absent ne peut remplacer l’absence d’une mère. Tout en se raccrochant aux fragiles et éphémères traces de son existence stockées dans la mémoire de son téléphone, Georgie s’en tire surtout grâce au pouvoir salvateur de l’imagination, que notre héroïne a foisonnante et qui lui permet de se créer des mondes et de traverser joyeusement la vie ! Et on se réjouit nous-mêmes de l’insertion de mini séquences surréalistes et comiques, ainsi que de la ribambelle de personnages secondaires hauts en couleur qui viennent ponctuer le film, tel un cœur antique s’adressant au public à propos des aventures épiques de Georgie, inoubliable pré-ado rebelle et irréductible, « scrapper » de choc qui saura cependant lâcher prise…

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