Tatami

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VOST (GR) – De Zar Amir Ebrahimi, Guy Nattiv

Avec Arienne Mandi, Zar Amir Ebrahimi, Ash Goldeh
4 septembre 2024 en salle | 1h 43min | Drame

Synopsis et critique : Utopia

Puissant, percutant, politique. Ces trois mots s’imposent à la vision de Tatami. Réalisé à quatre mains par Guy Nattiv, auteur-réalisateur israélien, et Zar Amir Ebrahimi, grande comédienne franco-iranienne (Prix d’interprétation au Festival de Cannes 2022 pour son rôle dans Les Nuits de Mashhad), tourné en Géorgie et financé par des producteurs américains, voilà de quoi offrir un pedigree pas tout à fait banal à ce thriller palpitant. Mais au-delà du symbole fort que constitue cette collaboration artistique à faire s’étrangler, on l’imagine, la censure iranienne, il y a dans Tatami tous les ingrédients qui hissent un film simplement « réussi » au niveau au-dessus : « excellent ».
L’utilisation de l’univers sportif au cinéma pour aborder des questions politiques n’est pas nouvelle. On se souvient, pour rester en Iran, du très beau Hors jeu de Jafar Panahi qui, en 2006, évoquait déjà la tragique réalité des femmes en Iran à travers le foot.

Mais l’efficacité du procédé est ici redoutable car plutôt que d’aborder le sport de manière périphérique, comme un prétexte, les réalisateurs vont au contraire le placer au cœur de leur film, sous le feu des projecteurs, au centre de ce tatami devenu, 1h45 durant, le décor quasi-unique de cette histoire aux allures de tragédie.
Dans un magnifique noir et blanc à la fois profond et glacial, sans aucune musique, la tension sportive n’aura de cesse de dialoguer avec les questions politiques au rythme d’un ballet haletant qui ne nous laisse aucun répit. Les quelques rares scènes se situant en dehors des zones de combats, que ce soit dans l’intimité du personnage principal ou dans la ville, ne seront même pas de véritables respirations : quelle que soit la ligne d’horizon vers laquelle les personnages portent leur regard, quel que soit le filet de lumière attirant leur besoin vital de liberté, tout semble se resserrer autour d’eux à la manière d’un étau qui étouffe, asphyxie, assombrit.

Tbilissi, en Géorgie. Championnat du monde de Judo. Leila, une judoka iranienne accompagnée de sa fidèle entraîneuse Maryam, fait un superbe parcours, enchaînant les victoires. Mais voilà que la Fédération iranienne de judo puis carrément le gouvernement de la République Islamique d’Iran lui ordonnent de se retirer, d’arrêter les combats, de déclarer forfait. La raison ? Le risque de rencontrer, dans les phases finales de la compétition, une adversaire israélienne, tout aussi performante qu’elle. Il n’est pas question que l’Iran prenne le risque de perdre face à Israël, son ennemi juré. Combat après combat, intimidations après menaces, le compte à rebours commence. Tiraillée entre la rage de gagner cette compétition pour laquelle elle s’est si durement entraînée, la peur de mettre sa vie et celle de ses proches en danger et son irrépressible envie de faire acte de résistance, Leila sait pouvoir compter sur son entraîneuse… Mais Maryam va-t-elle réellement la suivre jusqu’au bout ?

L’intense présence physique d’Arienne Mandi (Leila), qui exécute tous les combats de judo, est fascinante et incarne avec grâce et rage ce langage codifié ultra-précis fait de prises, d’étranglements et d’appuis où la force n’est jamais là où on l’attend. La caméra accompagne de manière à la fois crue et élégante le corps indompté, meurtri mais jamais vaincu de l’héroïne, un corps qui devient une arme lui permettant d’affronter non seulement ses peurs, mais aussi tout un régime politique. Rugueux et fascinant, Tatami rejoint la liste des films nécessaires qui n’en finissent pas de dénoncer ce régime de terreur qui assassine les femmes aux cheveux au vent et emprisonne ses artistes. Femme, vie, liberté… plus que jamais !

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