VOST (PL) – De Malgorzata Szumowska, Michal Englert
Avec Malgorzata Hajewska, Joanna Kulig, Jacek Braciak
29 mai 2024 en salle | 2h 04min | Drame
Synopsis et critique : Utopia
C’est un bel adolescent blond aux yeux bleus, le genre à faire craquer les filles, doux, drôle, facétieux, sensible… le prince charmant des contes de fée ! La jolie petite infirmière qui le regarde accrocher la banderole au-dessus de l’estrade de la fanfare du premier mai, dans leur petit bled de Pologne, en est toute troublée. Même à dix mètres du sol, il capte le fil de son regard et, quand la fanfare s’installe, il vient se glisser derrière elle pour lui fourrer dans la main, comme un trophée, les bijoux de famille piqués au petit ange en plâtre désormais a-sexué qui trône au sommet du chapiteau… le ton est donné.
C’est une belle histoire d’amour qui commence. En toile de fond, la Pologne des années 1980, pas mal secouée par les problèmes économiques, marquée par des grèves, des mouvements syndicaux qui s’amplifient, rallient le tout nouvellement créé Solidarnosc.
Un mariage de printemps vient sceller leur histoire. Ils sont beaux et leurs gamins vont l’être aussi, la petite famille semble harmonieuse et il y a un amour fort qui dure entre eux. Mais Andrzej a un secret qu’il n’ose dire à personne : au fond de lui, depuis toujours, il ne se sent pas à l’aise dans ce corps d’homme qui manque de testostérone, un taux surveillé de près par un endocrinologue à qui il finira par avouer son malaise et ses problèmes d’érection…
Le temps passe, la Pologne bascule du communisme au néo-libéralisme. Andrzej peu à peu se transforme, laisse pousser ses cheveux et son entourage finit par capter qui il est vraiment, même s’il ne le dit pas, et qu’il est inutile de vouloir contrer ce qui apparaît de plus en plus comme une évidence. D’autant qu’Andrzej met progressivement son apparence physique en accord avec son moi profond, plus mère que père avec ses enfants dont la petite dernière l’appelle parfois maman… Jusqu’à ce que son épouse tombe sur un carnet intime où il livre ses états d’âme…
Je ne vous en dis pas plus. Tout en délicatesse, en subtilité, le film déroule les 30 années d’existence de Andzrej / Aniela, suivant pas à pas toutes les étapes de son évolution – et celle de son entourage autant que la sienne – les réactions de son épouse, Iza, sont tout particulièrement passionnantes, en dehors ou au-delà de tous les clichés. Sensible toujours pudique, Une autre vie que la mienne aborde toute la palette des sentiments, de la culpabilité à l’évocation de désirs ambigus, survole toutes les interrogations, suit son personnage dans son intimité et raconte par petites touches les étapes parfois compliquées de son parcours, tout autant que les changements de la société autour…
« Plus de 90 ans après la dépénalisation de l’homosexualité en Pologne, les droits des personnes LGBT continuent d’y être bafoués et les discriminations systémiques perdurent. Intimidations, harcèlement, agressions et depuis le retour au pouvoir en 2015 du parti ultra-conservateur PIS, on assiste à une propagation des discours de haine, provenant parfois de la classe politique. Sous prétexte de « défendre les valeurs traditionnellement polonaises », les autorités mènent des campagnes de diffamation contre les communautés LGBT. » C’est un extrait d’un rapport d’Amnesty International de 2023. Des groupes nombreux se constituent pour organiser soutien, solidarité et faire évoluer les mentalités. Mais le débat reste vif et l’égalité de droits est loin d’être acquise…