VOST (IT) – De Maura Delpero
Avec Giuseppe De Domenico, Martina Scrinzi, Tommaso Ragno
19 mars 2025 en salle | 1h 59min | Drame
Synopsis et critique : Utopia
Au cœur de l’hiver 1944, dans le petit village de Vermiglio dans le Trentin, au nord de l’Italie, la guerre semble autant lointaine qu’omniprésente. Chaque famille a vu partir un homme, que ce soit un père, un fils, un mari, un frère ou un cousin… mobilisé pour cette terrible guerre qui bouleverse décidément la totalité du monde, jusqu’à ce petit village perché dans la montagne. Dans une vie que l’on devine déjà bien difficile, l’absence des hommes n’arrange pas les choses : eux qui apportaient l’argent pour nourrir toute une famille n’arrivent même plus à faire parvenir une simple lettre à leurs proches. Alors on se débrouille, les femmes triment davantage, les enfants aident encore plus souvent, la soupe s’éclaircit de plus en plus pour que chacun puisse avoir sa part. Dans la famille du maître d’école, les sept enfants se partagent les lits, dorment à deux ou même à trois. S’allongent tête-bêche pour gagner le moindre espace. Au moins, ça tient chaud parce que l’hiver est rude, le froid s’insinue partout. On fait la queue au réveil pour avoir sa louche de lait chaud distribué par une mère fatiguée, portant son dernier-né qui ne fait que pleurer tellement la faim le tenaille.
L’aînée de la famille, Lucia, soutient sa mère à la maison dans toutes ses tâches et s’occupe des plus petits ; Ada, quant à elle, cherche des châtiments à s’infliger à la hauteur de sa culpabilité liée à la découverte de son corps, jugé pas très catholique ; Flavia, la plus jeune sœur, fait la fierté de son père en excellant dans ses études ; Dino cherche à contenter ce père instituteur qui se montre dur et injuste mais dont la voix est puissante dans le village ; Pietrin, de son côté, assaille quiconque est à sa portée de toutes les questions qui lui passent par la tête…
Cette dynamique familiale mais aussi la vie du village tout entier vont se trouver quelque peu chamboulées lorsque le cousin Attilio réapparaît du jour au lendemain, talonné par son ami Pietro. On le comprend vite, les deux jeunes hommes ont fui la guerre et espèrent bien trouver refuge ici. Il y a ceux qui veulent les dénoncer (cacher des lâches, merci bien !) et il y a ceux, pour qui la lâcheté est un concept bien relatif, qui veulent au contraire les protéger.
Alors qu’Attilio est accueilli à bras ouverts par sa famille, les choses s’avèrent un peu plus compliquées pour Pietro, étranger au village, de surcroît Sicilien, ce qui rend bien difficiles les échanges… sans compter que le jeune homme est très taiseux. Ceux qui reviennent de la guerre ont des secrets, « on dirait qu’on leur a coupé la langue » remarquera judicieusement la toute jeune Flavia. Mais à force de rencontres à la messe, de petits échanges discrets et maladroits lors des fêtes données en l’honneur de Sainte-Lucie ou de la Vierge des neiges, protectrice du village, Lucia et Pietro vont tomber amoureux et décider de se marier, d’autant plus vite que consommation il y a eu avant de se dire oui. La vie semble alors plus douce, un peu plus facile… jusqu’au jour où l’annonce de la fin de la guerre arrive jusqu’en haut de la montagne. Pietro doit repartir en Sicile, rassurer sa mère qui le croit sans doute mort, et laisser ainsi Lucia, le ventre rond. Pour un temps seulement…
Dans Vermiglio, la réalisatrice Maura Delpero fait preuve d’un talent impressionnant à raconter en peu de mots, à nourrir les silences. Elle nous livre une œuvre délicate et d’une beauté visuelle saisissante mais qui se distingue aussi par sa rugosité. Le ton est certes tendre, voire romantique mais les événements sont cruels.